Des frontières poreuses. Le manque d’informations. Se prononcer pour le changement.
Certaines phrases ne cessaient de résonner mercredi 27 mars 2019, lors d’une réunion de parties prenantes de haut niveau à Abuja qui avait convoqué des agences gouvernementales et leurs partenaires du secteur privé et de la société civile soucieux de lutter contre la criminalité liée à la faune sauvage au Nigeria et le long de ses frontières. Les atteintes contre la faune, qui incluent le trafic et le commerce illégal des espèces de flore et faune sauvages menacées d’extinction et protégées, se transforment de plus en plus en un enjeu formidable de sécurité nationale et régionale et constituent un sujet de préoccupation au niveau mondial. La réunion – « Réunion CITES des parties prenantes du Nigeria », visait à conclure un accord sur la façon dont les diverses agences de réglementation et de contrôle, ainsi que leurs partenaires, pouvaient collaborer plus étroitement afin de lutter contre les crimes liés à la faune sauvage. L’autre objectif était de former un consensus sur les modalités qui garantiraient la mise en conformité des réglementations sur la Convention sur le commerce international de espèces de faune et de flore sauvages en voie d’extinction (CITES) étant donné que le Nigeria est partie à la Convention.
Le Nigeria devient un centre de transit de plus en plus couru pour les trafiquants de faune. Plusieurs saisies faites en Asie ont montré que les espèces provenaient du Nigeria. Au début de cette année, des autorités de douane au Vietnam ont saisi un conteneur rempli de 1,4 tonnes d’écailles de pangolin en provenance du Nigeria. Au départ, toutefois, ces écailles n’étaient peut-être pas du Nigeria, puisque les trafiquants d’espèces de faune sauvage d’Afrique de l’Est et centrale semblent emprunter de plus en plus fréquemment des itinéraires ouest-africains incluant le Nigeria pour transporter leur butin vers l’Asie et d’autres parties du monde tandis que la pression croît en Afrique australe et de l’Est. Pour autant, même si le Nigeria est surtout considéré comme un point de transit, il est souvent aussi le point d’origine dans nombre de cas.
Ce pays ouest-africain avec près de 200 millions d’habitants abrite aussi une grande variété d’espèces de faune sauvage reconnues à ce jour, dont 274 mammifères, 941 oiseaux, 109 amphibiens, 135 reptiles et 5209 espèces de plantes à fleurs. Ces espèces sont très souvent les cibles des braconniers et des trafiquants. La prévalence du trafic de faune sauvage au Nigeria est aggravée par une myriade de problèmes incluant des points d’entrée et de sortie poreux et un manque de main d’œuvre, d’équipement et de formation pour mener des inspections efficaces des véhicules, des bateaux et de toutes les marchandises ou de tous les bagages qui traversent tous les jours sa longue frontière. Il y a aussi la question d’une coordination inefficace parmi les parties prenantes, et la méconnaissance des réglementations de la CITES en général.

Le manque de connaissances était la principale observation d’une Évaluation des menaces pesant sur la biodiversité, qui portait essentiellement sur la lutte contre le trafic de la faune sauvage, menée par le Programme pour la Biodiversité et le Changement Climatique en Afrique de l’Ouest (WA BiCC), financé par l’USAID. Le manque global de perception concernant la CITES et le trafic de la faune sauvage en général était aussi la principale constatation faite par John Timothy Daniel dans le mémoire qu’il a écrit pour son master dans le cadre du Programme de maîtrise de la CITES, parrainé par WA BiCC. John est maintenant le point focal de la CITES pour le Nigeria. Ces questions et d’autres étaient à l’origine de la décision par toutes les parties prenantes de se réunir autour d’une même table pour aborder les solutions qui permettraient de combler les lacunes relatives au respect des règlementations de la CITES au Nigeria, ainsi que les accords sur la façon de collaborer afin de réduire la criminalité liée à la faune dans le pays. Qu’il s’agisse des compagnies aériennes, utilisées à leur insu pour le trafic de la faune, ou des fonctionnaires des services d’immigration, tous ont acquis de précieuses informations sur la façon de mieux traiter les points soulevés.
Les participants incluaient des représentants de la National Environmental Standard and Regulatory Enforcement Agency (NESREA-Agence nationale pour le respect des normes et des réglementations environnementales), le Service de l’immigration du Nigeria, Interpol, l’ambassades des États-Unis du Nigeria, la Nigerian Conservation Foundation, l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), le Service des parcs nationaux, le Service postal du Nigeria, Nigeria Export Promotion Council, le ministère fédéral du Commerce, l’Organe de gestion de la CITES du Nigeria (ministère fédéral de l’Environnement), le Forestry Research Institute of Nigeria, l’Institut national océanographique et de recherche marine, Lufthansa Airlines et (WA BiCC), parmi d’autres. Cette réunion comptait parmi les efforts continus de l’Organe Nigérian de gestion de la CITES d’organiser des réunions trimestrielles des parties prenantes concernées pour aborder les crimes relatifs à la faune sauvage.

Trois groupes ont été établis pour délibérer et faire des suggestions et des recommandations pratiques pour examiner trois domaines clés déterminés : 1) le respect de la CITES dans le pays 2) la prise en charge des saisies et 3) les enquêtes et les poursuites judiciaires. Certaines des recommandations importantes faites par les groupes étaient : la reconnaissance des importateurs et des exportateurs en tant que parties prenantes valables ; le besoin d’harmoniser les lois et les réglementations avec les normes internationales, et le recours à des technologies modernes comme WildScan et AFRICATWIX. D’autres concernaient le besoin de bien établir les rôles et les responsabilités de chaque partie prenante, par exemple, garantir que les fonctionnaires des services douaniers remettent la faune illégale saisie à la National Environmental Standard and Regulatory Enforcement Agency (NESREA) en présence de l’Organe de gestion, d’une ONG et d’Interpol. On a aussi abordé l’importance de fixer un délai pour la disposition des articles confisqués et de savoir comment éviter que ces saisies ne retournent entre de mauvaises mains par des moyens frauduleux.
M. Andrew David Adejo, Directeur du Forestry Research Institute a proposé la constitution d’un comité afin de définir les directives relatives aux saisies et aux dispositions, et de s’associer avec WA BiCC pour l’Atelier de formation des formateurs prévu pour le Service nigérian des douanes. Les parties prenantes sont aussi convenues de la nécessité d’avoir recours à des outils comme WildScan, et d’établir un groupe de travail pour la lutte contre la fraude. À l’avenir, ces recommandations seront prises en considération, harmonisées et utilisées pour élaborer une stratégie nationale dont l’objectif sera la lutte contre la criminalité liée à la faune et à son élimination. La couleur verte du drapeau du Nigeria représente la richesse naturelle, et ces parties prenantes sont montées au créneau pour préserver intacte cette richesse naturelle de grande biodiversité, à l’intérieur et au-delà de ses frontières.